Ces jeux sans fin – Partie III

La Chouette d’Or, Donjons & Dragons, The Campaign For North Africa, Assassin’s Creed et tant d’autres franchises… Certains jeux ou certaines parties n’en finissent pas. Penchons-nous sur les enjeux derrière ces formes ludiques qui défient le temps ! 

Après avoir exploré une chasse au trésor dont on ne verra peut-être jamais le bout et découvert le sous-sol de Robert Wardhaugh qui perpétue une partie de Donjons & Dragons depuis 40 ans, plongeons dans une autre forme de temporalité, vidéoludique cette fois.  //insérer liens P2//. Ubisoft, ça ne vous dit rien ? Véritable fleuron de l’industrie du jeu vidéo, à l’échelle mondiale et forcément nationale, puisque la société fondée par cinq frères (les Guillemot) est française.

Si leur aventure a pris place en 1986, les (en)jeux ont bien changé en 36 ans. De Zombi à Rayman en passant par Tom Clancy’s, le géant hexagonal est derrière beaucoup de titres et de franchises à succès. Parmi ces dernières, une a tout récemment célébré ses 15 ans : Assassin’s Creed. Aujourd’hui, nous porterons notre réflexion sur la longévité de cette licence au sein d’un médium encore jeune puisque les premiers jeux vidéo remonteraient à la fin des années 50.

« La vocation d’Assassin’s Creed est d’offrir aux joueurs le frisson d’un plongeon dans l’histoire et la possibilité de revivre des moments cruciaux du passé. Quinze années se sont déjà écoulées depuis le moment où Altaïr et le premier jeu vous ont accueillis au sein de la Confrérie, en 2007. »

Alice Terrett – Community Developer chez Ubisoft

Un peu à la manière des films James Bond où l’on a vu se succéder Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan et Daniel Craig, Assassin’s Creed a permis aux joueur.se.s de se glisser sous la cape d’Altaïr Ibn-La’Ahad, d’Ezio Auditore, d’Aveline de Grandpré et plus récemment d’Alexios ou de Kassandra. Il serait impossible de citer tous les assassins de la confrérie… Enfin, sachez qu’à elle seule, la série principale rassemble 13 jeux.

Assassins-Creed-Infinity
Source : New Game Plus

 

Il y a donc un certain nombre de points communs entre cette saga et les films de l’agent 007, à commencer par l’immuabilité de sa « figure de proue ». Dans un cas, cette figure revêt une tenue noire abyssale assortie d’un nœud papillon des plus élégants, dans l’autre elle dissimule son visage sous une capuche à la manière d’un ninja. Les deux partagent également un caractère d’invariabilité assez prononcé. Leurs récits sont systématiquement construits d’une manière reconnaissable. Si d’un jeu (ou d’un film) à l’autre, le spectateur ou le joueur dont on pourrait dire qu’il devient « spect-acteur » peut être confronté à des histoires, époques et mondes différents, il retrouvera toujours ses marques.

Pour l’espion anglais, cela se matérialisera par un récit dont on ne sait pas le fin mot mais dont tous les fans attendent impatiemment les moments-clés : la scène d’action introductive, la « réunion de pré-lancement » avec M, la mission et ses nombreuses péripéties, la James Bond Girl… Pour l’assassin de la confrérie, le joueur garde aussi la même paire de chaussons, mais pour des raisons bien propres au médium jeu vidéo. Par exemple, le gameplay et la maniabilité du jeu ont bien évolué en quinze ans mais à chaque découverte d’un nouveau personnage introduit dans la licence, on retrouve un certain feeling. « Légers mais bien sur leurs appuis », voilà comment nous pourrions qualifier les héros designés par les équipes Ubisoft.

Enfin, et là réside assurément la force temporelle de ces sagas, qu’elles soient filmiques ou vidéoludiques : les specta(c)teurs se les approprient. Certains vont aimer un épisode ou un film pour ses paysages, son ambiance, ses musiques, son contexte historique. Dans le cas d’Assassin’s Creed, beaucoup entretiennent, voire glorifient leurs souvenirs d’Assassin’s Creed II se déroulant au cœur de la Renaissance Italienne. Au-delà de l’intelligence des mécaniques de jeu, du scénario et de la construction du monde, on peut présumer que Florence, Venise et Léonard de Vinci ont joué un rôle prépondérant dans l’affection que les joueurs peuvent porter à cet opus considéré par une majorité de joueurs comme le plus abouti.

Paru en 2009, cela démontre une chose particulièrement intéressante : le rayonnement d’une œuvre vidéoludique n’est pas assujetti au temps et à ses progrès technologiques. À première vue, on pourrait se dire que lorsqu’une prouesse graphique ou technique débarque, elle risque de faire table rase du passé. D’occulter à petit feu les jeux et films du passé. Fort heureusement, ce n’est pas le cas. Assassin’s Creed II en est la preuve ludique, comme Opération Tonnerre avec Sean Connery (1965) ou Au service secret de Sa Majesté (1969) en sont les preuves filmiques. Pour les nombreux aficionados des films tirés des écrits du romancier Ian Fleming, les qualités assez évidentes du James Bond incarné par Daniel Craig ne suffisent toujours pas à damer le pion à certains classiques de la filmographie aux couleurs de l’agent 007…

En rapprochant les jeux vidéo du cinéma, nous tenions à clore notre saga d’été par un propos d’autant plus universel sur l’art et son rapport au temps. Nous voulions d’abord vous faire découvrir trois jeux ayant une relation temporelle singulière et marquée avec leur public respectif. De l’intimité partagée par quelques chanceux jouant à D&D depuis 40 ans chez Robert Wardhaugh au sentiment historique bien connu des joueurs de la franchise Assassin’s Creed qui a allègrement dépassé les 155 millions de ventes en passant par cette quête tantôt solitaire, tantôt communautaire de la chasse au trésor menant à cette fameuse Chouette d’Or… //insérer liens P1//. Tant d’aventures humaines, qui peuvent nous ramener à l’enfance et aux plaisirs d’antan. Ce qui nous porte doucement vers la nostalgie, mais gardons cela pour l’été suivant et voguons encore un peu sur les flots du temps…