Pourquoi jouons-nous aux jeux de hasard ?

A l’heure de l’introduction en bourse de la Française des jeux (FDJ), entreprise créée en 1976 pour remplacer la Loterie Nationale, on s’interroge sur l’engouement des français pour les jeux de hasard.  Pourquoi des millions de personnes jouent-elles à ces jeux dont l’issue gagnante est extrêmement faible? Décryptage des mécanismes psychiques qui nous poussent à jouer et surtout à y croire !

Des « gueules cassées » à la FDJ

Le 20 novembre 2019, la Française des Jeux fera son entrée en bourse. Ce bastion français des jeux de hasard ne connait pas la crise, et ce depuis de nombreuses décennies. L’histoire commence avec les « gueules cassées »au lendemain de la Grande guerre. En 1927, plusieurs associations de victimes de guerre lancent une souscription nationale au profit des mutilés. Cet appel à la générosité est assorti d’une tombola qui répond au nom grave de « La dette« . Loin de l’EuroMillions et de son folklore paradisiaque, « La dette » propose tout de même des lots qui vont de la bicyclette à l’avion de tourisme. L’engouement est considérable. La France joue, l’Etat veut en être. La Loterie Nationale est créée par décret le 31 mai 1933 et traverse les décennies malgré la Seconde Guerre Mondiale et les décrets-lois qui stigmatisait le « grave danger d’ordre moral des jeux (…) car l’amélioration des situations personnelles ne doit plus être attendue du hasard« . Et c’est tout l’enjeu de notre réflexion, pourquoi faisons nous confiance au hasard ?

 

1 français sur 2 mise de l’argent…au hasard !

Mais où doit-on trouver l’explication de cette frénésie du jeu de hasard ?

La Française des Jeux compte 26 millions de joueurs. Et ils ont 1 chance sur 20 millions de gagner le jackpot. D’après Nathalie Mayer, journaliste à Futura Sciences, « Pour gagner au loto, il faut choisir les 5 bons numéros dans une grille qui en compte 49. En reprenant la formule ci-dessus, on conclut qu’il n’existe pas moins de 1.906.884 manières différentes de remplir sa grille. (…) il faut aussi avoir trouvé le bon numéro chance, celui de la seconde grille. Pour celui-là, on a une chance sur dix. Donc au final, vous n’avez qu’une chance sur 19.068.840 de remporter le gros lot !« .

Pourtant, cette probabilité extrêmement faible ne décourage aucunement les joueurs et les joueuses. Et ce sont 15,1 milliards d’euros de mises enregistrées par La Française des jeux. D’un point de vue statistique, c’est incompréhensible. Mais où doit-on trouver l’explication de cette frénésie du jeu de hasard ?

« Cela n’arrive pas qu’aux autres »

Ce paradoxe trouve sa réponse dans la psychologie et le phénomène d’optimisme irréaliste. Mis en évidence par Neil Weinstein, il permet de comprendre pourquoi, face à des chances quasi nulles de gagner, nous jouons quand même. En 1980, ce psychologue a demandé à des étudiants de se comparer à d’autres étudiants qui présentaient les mêmes caractéristiques (âge, sexe, université). Neil Weinstein leur a demandé s’ils pensaient avoir plus ou moins de chance de vivre une série d’événements. Parmi les différentes propositions, 18 étaient positives comme obtenir un poste intéressant après ses études, et 24 étaient négatives comme avoir une crise cardiaque avant 40 ans. Les résultats ont montré que les personnes interrogées considèrent que leurs chances de vivre un événement positif sont supérieures à celles d’autrui. En revanche pour les événements négatifs, c’est l’inverse. Elles pensent que « cela n’arrive qu’aux autres ». Ce phénomène peut être aussi appelé « biais d’optimisme » ou « optimisme comparatif ». Et dans le cadre des jeux de hasard, il nous pousse à croire que « notre probabilité de gagner est supérieure à celle des autres joueurs ». Cet optimisme irréaliste se cumule à d’autres facteurs inhérents au jeux d’argent basés sur le hasard.

L’éloge de la rareté et l’illusion de contrôle

Parallèlement au biais d’optimisme, un autre psychologue, Peter Harris, observe en 1996 que chez la plupart des individus, plus un événement est rare, plus nous surestimons la probabilité qu’il se produise. C’est le cas avec la possibilité d’avoir un accident d’avion mais aussi le fait de gagner au loto !

De plus, si le jeu de hasard ne dépend pas de nous, il véhicule pourtant un sentiment de contrôle. Grâce à des artifices comme la possibilité de choisir ses numéros ou encore celle de gratter un ticket, on a l’impression d’avoir, comme l’explique la psychologue américaine, Elen Langer, « une part active dans le jeu ». Cette illusion de contrôle nous conforte dans l’idée que « oui, nous pouvons gagner ! ».

Nous, on continuera à souffler sur le dé avant de jouer, à demander nos numéros fétiches au CELF, à penser qu’on peut gagner même si on a autant de chance de remporter que de croiser Mickaël Jackson dans notre quartier. On dit bien « l’espoir fait vivre ».

A lire : Pour la science, Les lois du hasard, novembre 2019

 

 

 

À propos de l'auteur

Dite le petit futé de BEJOUE, elle aime les histoires de jeux et de gens, les enquêtes de terrain au pied de son immeuble, et la moquette dans les pubs.